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HISTOIRE. DE LA TAPISSERIE
prescription, qui causait un préjudice sérieux aux entrepreneurs de Felletin, en plaçant leurs ouvrages dans un état d'infériorité marquée vis-à-vis de ceux de leurs voisins, donna lieu à des fraudes continuelles.
En 1718, les tapissiers de Paris, dans l'introduction historique placée en tète de leurs statuts, affectent le plus profond dédain pour les productions de Felletin et terminent par cette phrase mé­prisante : « Enfin ce sont des tapisseries plus susceptibles de servir d'appât pour les vers que d'admiration pour les hommes. » Aussi ces pauvres parias de l'industrie textile se contentent-ils cles prix les plus modestes. Une tenture se paye de 30 à 40 livres l'aune; les fauteuils à personnages et animaux coûtaient à peine 50 à 60 livres. On ne pouvait exiger un travail bien soigné ni bien lin pour de pareils prix.
Quant aux modèles, nos humbles artisans ne pouvaient songer à travailler d'après des patrons originaux peints à leur intention. Us copient les estampes en vogue; ils répètent à satiété les mêmes sujets. Certaines de leurs pièces sont inspirées par les gravures de Y Astrée ou les Bergerades de Bacan.
Les lettres patentes de 1732 avaient exercé la plus heureuse in­fluence sur le développement de l'industrie marchoise. Elles res­tèrent en vigueur, et furent appliquées pendant tout le xviii0 siècle. On rencontre fréquemment des pièces avec le nom du fabricant, suivi de l'inscription M. R. d'Aubusson. Le plomb apposé par les experts jurés se rencontre très rarement; il a généralement été enlevé. Cependant nous en avons vu un échantillon recueilli par M. Dautzenberg.
M. Pérathon a dressé la liste cles tapissiers dont il a pu retrouver lamention; cette liste comprend cent cinquante-huit noms pour Felletin, cent treize pour Aubusson, sans tenir compte cles ateliers installés dans les faubourgs, et ils étaient nombreux.
Jean-Joseph du Mons conserve son titre de peintre et dessina­teur des manufactures d'Aubusson jusqu'en 1755, époque où il remplace à Beauvais le peintre Jacques Juliard, qui, de son côté, vient prendre la succession de du Mons à Aubusson.
Après Juliard, Ranson est nommé aux fonctions que du Mons avait remplies (1780). En même temps un certain Finet, origi­naire d'Aubusson, élève de Jouvenet, dirigeait avec un de ses con­frères, nommé Roby, l'école de dessin établie dans la ville en vertu